C’est à partir du XVIe siècle que la ville est devenue l’un des grands centres de fabrication du shôyu. Higashimaru Shôyu s’est imposé à partir de 1869. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Tatsuno, dans la préfecture de Hyôgo, est une petite cité tranquille, au nord-ouest du fameux château de Himeji (voir Zoom Japon n°4, octobre 2010) où la plupart des touristes s’arrêtent sans chercher à aller plus loin. Pourtant la ville arrosée par le fleuve Ibo ne manque pas d’intérêt dans la mesure où elle a eu une influence non négligeable sur la culture japonaise notamment grâce au poète Miki Rofû, auteur du célèbre Akatombo [Libellule rouge] qui sera mis en musique par Yamada Kôsaku et qui sera élue, en 1989, chanson préférée des Japonais. Akatombo est devenue le symbole de la ville qui s’est aussi fait connaître grâce à la série cinématographique Otoko wa tsurai yo [C’est dur d’être un homme] puisque Yamada Yôji y a tourné le dix-septième volet dont le titre français La Libellule rouge (voir Zoom Japon n°116, décembre 2021), très populaire parmi les fans de Tora-san, fait justement écho au poème. Le quartier des brasseurs. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Situé idéalement, Tatsuno a pu diffuser ses produits. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Toutefois, la notoriété de Tatsuno ne se limite pas à cela même si de nombreux touristes s’y rendent pour voir les lieux de tournage du film ou le monument érigé en l’honneur de Miki Rofû. La cité est aussi une référence en matière de shôyu puisque c’est ici qu’est née la sauce soja usukuchi, qui se reconnaît à sa couleur plus claire et à sa forte teneur en sel, aux alentours du XVIe siècle. Il suffit de déambuler dans ses rues pour prendre conscience de l’importance de cette production bien que le nombre de producteurs ait beaucoup diminué. Tatsuno était dans une situation idéale pour se lancer dans cette aventure. Les champs environnants bien cultivés produisaient en abondance du blé connu sous le nom de Banshû komugi, la région de Sayô-Shisô produisait des graines de soja de bonne qualité appelées Mikazuki daizu, et Akô était une zone réputée pour la production de sel. L’Ibo qui coule à l’est de la ville était particulièrement adaptée à la production de sauce soja usukuchi en raison de la faible teneur en fer de son eau. L’une des principales propriétés du shôyu de Tatsuno, comme le souligne un document historique de l’Association des producteurs de sauce soja de Tatsuno en 1890, est qu’elle est pratiquement transparente et a un bel arôme. Par ailleurs, le fleuve Ibo s’est avéré être un excellent canal pour le transport des matières premières et des produits finis. Le musée consacré à l’histoire de la sauce soja à Tatsuno propose un film qui raconte très bien comment la ville s’est imposée comme l’un des principaux centres de production du pays, car son shôyu était acheminé par des takasebune, ces bateaux de transport adaptés aux rivières, jusqu’à Aboshi, dans le cours inférieur de l’Ibo avant d’être expédié vers Kyôto et Ôsaka, deux grands centres de consommation, qui constituaient les principaux débouchés pour les produits de Tatsuno. Chez Suehiro Shôyu, on travaille à l’ancienne./ Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Suehiro Takuya joue la carte de la tradition. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Ce sont les familles Maruo et Yokoyama qui ont lancé la fabrication de cet ingrédient. Les documents comptables laissés par ces familles, en particulier la première, permettent de saisir l’importance de la sauce soja dans la vie locale et combien elle a pesé dans le développement économique de la cité. Les deux familles vont voir leur activité connaître des difficultés au cours du XIXe siècle et être supplantées par des concurrents plus entreprenants à l’instar de Asai Yahei, un marchand influent originaire du nord...