L'heure au Japon

Parution dans le n°40 (mai 2014)

A l’occasion de la sortie en France de L’Île de Giovanni, son réalisateur s’est confié à Zoom Japon. Les films d’animation japonais ont bâti en grande partie leur réputation autour de la science-fiction et autres fantaisy. Mais ils ont aussi une longue tradition de sujets portant sur des drames humains. L’un des meilleurs exemples de ce type de production est la très récente œuvre signée Nishikubo Mizuho. Ce proche collaborateur d’Oshii Mamoru dont il a longtemps était le directeur de l’animation est déjà célèbre pour ses films Atagoal wa neko no mori [Atagoal, la forêt des chats, 2006] ou encore Miyamoto Musashi : Sôken ni haseru yume [Musashi : le rêve du dernier samourai, 2009]. L’Île de Giovanni (Giovanni no shima, 2014) raconte l’histoire de Junpei, un garçon de 10 ans, et de sa famille qui vivent sur la petite île de Shikotan, au nord-est de Hokkaidô. Leur quotidien plutôt tranquille va être bouleversé par l’arrivée des soldats soviétiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui vont finir par les déporter. Nous avons rencontré le réalisateur dans les locaux de la production I.G situés dans la banlieue ouest de Tôkyô. L’histoire est inspirée de faits réels, n’est-ce pas ? Nishikubo Mizuho :  A peu près la moitié de L’Île de Giovanni est fondée sur l’histoire de Tokuno Hiroshi qui a vécu sur l’île de Shikotan jusqu’en 1947. Nous avons ajouté des éléments de fiction dans la seconde partie du film. Combien de temps a-t-il fallu pour mener le projet à terme ? N. M. :  La réalisation du film proprement dit a pris trois ans, mais si l’on doit remonter au moment où il a été initié, cela fait bien une dizaine d’années. A cette époque, le scénariste Sugita Shigemichi a été contacté par un jeune Américain David Wolman qui travaillait alors sur la question des îles Kouriles. Ce dernier lui a montré toute une collection de témoignages de personnes ayant vécu sur l’île de Shikotan sous occupation soviétique. Sugita a rencontré de nombreuses personnes, mais c’est M. Tokuno qui avait le plus de choses à raconter. Son histoire était parfaite pour un film en raison de la présence de plusieurs éléments dramatiques. Cela dit, nous avons aussi utilisé des témoignages d’autres personnes pour construire le scénario du film. C’est un sujet que peu de Japonais connaissent vraiment ? N. M. :  En effet. Même moi j’ignorais les événements qui se sont déroulés à Shikotan et dans les autres îles que l’on présente toujours au Japon sous le nom de Territoires du nord. Je ne savais rien des rapports tissés entre les Japonais et les Soviétiques. Et pourtant, je suis quelqu’un féru d’Histoire. Puisque nous abordons le thème de l’histoire, il y a quelques années, vous avez réalisé un autre film historique concernant le célèbre Miyamoto Musashi que tous les Japonais connaissent. Je voulais savoir si vous aviez choisi à dessein d’aborder cette fois un sujet méconnu. N. M. :  A vrai dire, après la sortie du film sur Miyamoto, j’avais le désir de faire un film sur la période et plus particulièrement sur le maître des estampes Hokusai. Malheureusement, le projet n’a pas pu voir le jour. Etant, comme je vous le disais, un grand amateur d’Histoire, la possibilité de m’attaquer à ce sujet dont je ne savais pas grand chose m’a permis d’apprendre beaucoup. Cela dit, le film sur Miyamoto et L’Île de Giovanni ont des points communs. Dans les deux cas, j’ai mélangé l’Histoire avec de la fiction. Il y a une base réaliste dans mon dernier film, mais la présence du livre de Miyazawa Kenji apporte une touche fantastique dans le récit. Pourquoi avez-vous justement décidé d’avoir recours dans votre film à Train de nuit dans la voie lactée, la fameuse nouvelle de Miyazawa Kenji ? N. M. :  C’est en fait une autre idée originale de Sugita Shigemichi. Pour être tout à fait honnête, je dois reconnaître qu’au début je pensais que le recours à cette nouvelle risquait de compromettre le réalisme de l’histoire. Mais j’ai rapidement changé d’avis. Le principal thème de cette nouvelle porte sur “ce qui est le vrai bonheur”. Je me suis rendu compte que je pourrai mettre à profit l’œuvre de Miyazawa Kenji pour exprimer les émotions des personnages d’une façon originale et ajoutant de l’épaisseur à l’histoire. A la fin du film, j’ai même donné un peu plus d’importance au Train de nuit dans la voie lactée que ce qui était prévu initialement. Récemment le terme kizuna (lien entre individu) est devenu très populaire dans l’archipel, notamment depuis le séisme du 11 mars 2011. Les politiciens en abusent. Pourtant, j’ai l’impression que ce mot  permet de bien comprendre l’histoire. Qu’en pensez-vous ? N....

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