Shunkan est un plat qui utilise des légumes de saison mijotés et des aliments séchés. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Fondé par le moine Ingen Ryûki, le Manpuku-ji est une destination incontournable pour les végans. Pour le visiteur qui se rendrait dans la région du Kansai, un détour par Uji, une ville idéalement située entre Kyôto et Nara, s’impose. Pour son fameux thé ? L’appellation “thé d’Uji” désigne en fait des feuilles récoltées dans les préfectures de Nara, Kyôto et Mie et il n’y a pratiquement pas de champs de thés dans la ville même d’Uji. Pour le célèbre temple Byôdô-in qui figure sur les pièces de dix yens ? La rénovation de l’auguste bâtiment il y a quelques années a trop forcé sur la peinture vermillon et les brochettes de cars de touristes qui encombrent ses parkings tout au long de l’année ont de quoi décourager les plus enthousiastes des amateurs de l’époque Heian (794-1185).Uji abrite en fait un autre trésor, le magnifique Manpuku, temple principal et monastère de la secte bouddhiste zen Ôbaku qui, chose rare au Japon, n’a pratiquement pas été modifié depuis l’époque de sa construction en 1661. C’est un remarquable complexe de bâtiments construits sur le mont Ôbaku en teck de Sumatra dans le style architectural chinois de la dynastie des Ming. La disposition des bâtisses, qui sont pour la plupart classées, suit également l’ordonnancement architectural chinois et représente une image de dragon.Le temple a été fondé par le moine chinois Yinyuan Longqi, Ingen Ryûki en japonais, figure clé du bouddhisme zen chinois et prêtre de haut rang de la secte zen Rinzai dans la province chinoise du Fujian. Il s’était rendu au Japon pour diffuser son enseignement et on lui offrit un terrain à Uji pour construire son temple. Sur ce terrain poussaient de nombreux ôbaku, des phellodendron amurense, un arbe reconnu pour ses propriétés médicales et donc bienvenu aux abords d’un monastère. Il soigne les maladies abdominales. Il permet aussi de teindre papiers et textiles en jaune.La secte Ôbaku, et les nouvelles connaissances importées de Chine par Ingen, ont eu une influence importante sur de nombreux aspects de la culture japonaise, notamment la calligraphie, la peinture, l’architecture, l’édition, la médecine, l’art du thé sencha et la tradition culinaire. Car au-delà de son architecture unique, le temple Manpuku est également le lieu d’origine de la délicieuse cuisine végétarienne fucha ryôri (voir pp. 4-7).Pour beaucoup, au Japon et ailleurs, la cuisine shôjin (qui signifie cuisine de dévotion dans laquelle on poursuit la voie pure du Bouddha) est synonyme de nourriture des temples bouddhistes du pays. Cette cuisine végétarienne, introduite de Chine au XIIe siècle pendant la période de Kamakura (1185-1333), est connue pour sa simplicité et sa retenue, elle s’est développée principalement au sein de l’école Rinzai du bouddhisme zen. Dans les temples Rinzai, la préparation de la nourriture est une sorte de discipline religieuse et pendant le repas, pour lequel chaque moine apporte ses propres ustensiles, il faut s’asseoir formellement, ne pas parler, et respecter diverses règles.Mais il existe une autre tradition végétarienne bouddhiste, moins connue, dont les origines remontent à la période Edo (1603-1868) : c’est le fucha ryôri. Contrairement au shôjin ryôri, cette cuisine d’influence chinoise se concentre sur l’utilisation savante d’huiles végétales et de fécule de marante pour créer des plats plus rassasiants et aux saveurs plus riches.L’école zen Ôbaku incorpore des éléments du bouddhisme de la Terre Pure, dans lequel le salut dépend d’une foi simple plutôt que de disciplines rigoureuses et d’abnégation, et cette approche un peu plus détendue du zen se reflète dans la cuisine fucha. Initialement préparée par les moines et servie aux participants après un rituel religieux, elle surprit les locaux à son apparition car jusqu’à quatre personnes partageaient le même plateau de nourriture placé sur une table carrée – une rupture avec la pratique japonaise ...